Le corps de Steve Maia Caniço, disparu dans la nuit du 21 au 22 juin, a été retrouvé lundi 29 juillet dans la Loire à proximité de l’île de Nantes. Le corps en état de décomposition avancée de cet animateur périscolaire de 24 ans flottait près d’un ponton à environ deux kilomètres du quai Wilson, lieu où il avait été vu pour la dernière fois le soir de la Fête de la musique.
Plongeurs, police judiciaire et juge d’instruction étaient rapidement arrivés sur place, lundi en fin de journée. Depuis plusieurs semaines, sa famille attendait une réponse des autorités et des recherches étaient en cours. Le corps a finalement été découvert fortuitement par le pilote d’une navette fluviale de transport en commun de la ville.
Le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour "homicide involontaire".
Le soir de la Fête de la musique, Steve Maia Caniço participait à un rassemblement de plusieurs scènes techno sur le quai Wilson, au sud de l’île de Nantes. Vers 4 h 30, une violente charge policière mettait fin à la soirée et provoquait la chute, de plusieurs participants dans la Loire.
Pendant plus de vingt minutes, les policiers avaient tiré des grenades lacrymogènes vers les fêtards et le fleuve. Pourtant, plusieurs personnes les avaient tout de suite alertés du danger de la proximité avec le fleuve. "Y a de l’eau derrière !", "y a la Loire derrière !" crient des participants à la fête aux policiers à plusieurs reprises.
Des personnes continuent de crier "y a des mecs à l’eau !", "y a des mecs dans la Loire !". Malgré ces avertissements, de nouvelles grenades sont tirées en direction de la route, mais aussi du fleuve.
14 personnes ont été repêchées par les secours durant la nuit. Le directeur départemental adjoint de la sécurité publique (DDSP) de Loire-Atlantique avait défendu ses troupes en affirmant qu’il n’y avait eu "aucune charge" des forces de l’ordre, visées selon elle par des projectiles.
Selon plusieurs proches, Steve Maia Caniço avait été aperçu, pour la dernière fois, un peu avant l’intervention de la police, alors qu’il se reposait près d’un sound system. Il ne savait pas nager, selon ses proches.
Une enquête pour disparition inquiétante a rapidement été ouverte par le parquet de Nantes, tandis qu’un appel à témoin était lancé par la police nationale et diffusé sur Twitter pour tenter de localiser le jeune homme.
[#AppelàTémoins] Steve MAIA CANICO est porté disparu depuis le 22 juin vers 4h00 Quai Wilson à #Nantes.
— Police Nationale 44 (@PoliceNat44) June 24, 2019
Si vous avez des informations, contactez les enquêteurs.
Merci pour vos partages. pic.twitter.com/Qrj1a9IkWo
"De la tristesse, de la colère et de l'amertume", c'est ainsi que les amis de Steve résument leurs sentiments mardi soir 30 juillet, lors d'un rassemblement au pied de l'immense grue jaune sur un quai de l'île de Nantes, où le corps du jeune homme a été retrouvé lundi après-midi. Cela fait 38 jours qu'ils attendaient des nouvelles de Steve.
Cinq procédures sont en cours, dont une enquête administrative conduite par l'IGPN (Inspection générale de la police nationale). Elle avait été saisie le 24 juin pour faire la lumière sur les opérations de maintien de l’ordre à Nantes, à l’occasion de la Fête de la musique.
Ce rapport, diligenté le 24 juin soit trois jours après la disparition lors de la Fête de la musique du jeune homme dont le corps a été retrouvé lundi soir, questionne l'opération des forces de l'ordre en bord de Loire. Il "met en évidence des difficultés liées à l'intervention, consécutive à des jets de projectiles en direction des policiers et menée dans un rapport de forces défavorable qui a conduit à l'emploi des moyens lacrymogènes", a souligné Edouard Philippe dans une déclaration dans la cour de Matignon aux côtés du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
Et "il met également en évidence des interrogations sur la préparation de cet événement", a poursuivi le premier ministre, avant de convenir que "l'enchaînement des faits reste confus" et que plusieurs interrogations restaient en suspens.
Affirmant ne pas pouvoir se "satisfaire" de ces zones d'ombre, Edouard Philippe a ajouté avoir décidé de saisir mardi 30 juillet, "l'inspection générale de l'administration pour aller plus loin et comprendre les conditions d'organisation de l'événement par les pouvoirs publics, mairie et préfecture, ainsi que les organisateurs privés".
"Les conclusions de l'IGPN sont décevantes, confie Maître Cécile De Oliveira, l'avocate des parents de Steve. Mais il ne s'agit que d'une enquête administrative et j'attends beaucoup plus du rapport qui sera rendu dans l'enquête judiciaire."
"Je suis tout à fait étonnée que le Premier ministre ait pris la parole aujourd'hui. On annonçait plutôt une prise de parole du ministre de l'Intérieur pour qu'il donne connaissance des conclusions du rapport de l'IGPN. Le Premier ministre lui-même prend la parole, clairement, l'affaire devient une affaire d'tat", a déclaré Me Cécile de Oliveira.
C’est la fin d’une longue attente pour les proches de Steve Maia Caniço. "Nous sommes soulagés que la famille puisse enfin faire son deuil, a réagi Victor Lacroix, membre de Média’son, l’une des associations organisatrices du concert. Mais, plus d’un mois pour le retrouver si proche, c’est très long."
Au fil des semaines, la disparition de Steve est devenue une affaire nationale. Les affiches et inscriptions "Où est Steve ?", omniprésentes dans les rues de Nantes, se sont multipliées dans plusieurs autres villes de France et sur les réseaux sociaux.
Le 3 juillet, une plainte contre X pour "mise en danger de la vie d'autrui" et violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique" est déposée au nom de 89 personnes. Selon leur avocate, les plaignants affirment avoir été "submergés par un nuage de lacrymogène alors qu'ils dansaient et parlaient avec des amis" et c'est en raison de la panique générée par cette intervention que certains seraient tombés à l'eau.
Toutes étaient présentes sur le quai Wilson, le soir de la Fête de la musique. Deux sont tombées à l'eau, elles aussi. Elles veulent des explications.
Reçues le même jour par la préfecture, les associations organisatrices de la soirée disent s'être heurtées à un mur. "On sentait comme du mépris. Ils n'ont eu aucun mot pour nous rassurer", expliquera plus tard Samuel Raymond, venu porter la parole du collectif Freeform.