Malgré les injonctions du président du CRIF ( Conseil représentatif des institutions juives de France ) à ne pas se joindre au rassemblement, frontistes et "insoumis" sont venus avant de repartir sous les sifflets de la foule, mercredi soir place de la Nation, à Paris.
Ils étaient des milliers, venus de tous horizons à s’être rassemblés ce mercredi 28 mars à Paris pour participer à la marche blanche en mémoire de Mireille Knoll. Cette femme âgée de 85 ans de confession juive a été assassinée vendredi 23 mars. Le parquet de Paris a retenu le caractère antisémite du meurtre.
Lorsque le CRIF a annoncé ce rassemblement, le président de l’instance de la communauté juive Francis Kalifat a fait savoir qu’il ne souhaitait pas y voir de personnalités politiques d’extrême droite et d’extrême gauche, ces derniers n’étant pas "les bienvenus".
Il semble qu’un faux procès soit fait au CRIF quand à la venue de Jean Luc Mélenchon au rassemblement en mémoire de Mireille Knoll alors soyons clairs ni Jean Luc Mélenchon et les insoumis ni Marine Le Pen et le FN seront les bienvenus demain.
— Francis Kalifat (@FrancisKalifat) 27 mars 2018
"La surreprésentation des antisémites tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite rend ces deux partis infréquentables", a assumé mercredi 28 mars Francis Kalifat sur RTL Matin. Ajoutant en guise d'explication : "En ce qui concerne l'extrême gauche, il s'agit peut-être d'éclaircir leur position en ce qui concerne le boycott d'Israël".
Octogénaire tuée : le #Crif ne souhaite pas la venue du FN et des Insoumis à la marche blanche. "Les symboles de cette haine des juifs dans notre pays ne peuvent pas être présents" @FrancisKalifat invité de #RTLMatin avec Yves Calvi pic.twitter.com/Evuw3sm7P6
— RTL France (@RTLFrance) 28 mars 2018
Dans Bourdin Direct sur RMC mercredi 28 mars, le fils de l'octogénaire assassiné, Daniel Knoll, a tenu une position inverse : "Nous appelons tout le monde, je dis bien tout le monde, sans exception", à se joindre à la marche blanche. A la question "vous n'allez pas sur la position du Crif ?", il a répondu : "Absolument pas, les gens qui ont une mère peuvent me comprendre (…). Le Crif fait de la politique et moi, j'ouvre mon cœur".
"Le @Le_CRIF fait de la politique, moi j'ouvre mon cœur"
— RMC (@RMCinfo) 28 mars 2018
➡ Daniel Knoll, fils de Mireille Knoll #BourdinDirect pic.twitter.com/3Z5cFFvukU
Des représentants de LFI et du FN ont alors annoncé leur venue, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Mais une fois sur place, mercredi soir, les deux personnalités politiques ont été huées et sifflées par la foule et poussées à quitter le rassemblement, sous protection policière, quelques minutes après leur arrivée.
Plusieurs dizaines de jeunes avaient crié "Insoumis, dehors !" à la venue de M. Mélenchon, tandis que des "nazis, fachos" ont été lancés à l’adresse de Mme Le Pen. Interrogé pendant l’avancée du cortège, le président du CRIF a maintenu qu’il ne désirait pas la présence de ces représentants politiques.
Des personnes ont tenté de frapper le député de la France insoumise, il a dû être exfiltré du cortège dès les premières minutes du défilé. La sécurité de Marine Le Pen a pris la même décision pour la présidente du Front national quelques minutes plus tard.
"Le CRIF ne représente que lui-même, a déclaré Marine Le Pen. Nous avons notre place ici car, encore une fois, ils se trompent d’ennemi. C’est nous qui luttons depuis des années et qui dénonçons l’antisémitisme islamiste."
Le chef de file des "insoumis" a, pour sa part, estimé que ces huées n’étaient qu’un épiphénomène. "Il ne faut pas confondre 40 énergumènes avec les milliers de braves gens que compte ce pays, il ne faut pas leur donner de l’importance", a dit Jean-Luc Mélenchon.
Face aux insultes des manifestants, Alexis Corbière député LFI a vivement réagi sur Twitter. "Vous êtes des minables qui font le jeu des antisémites. Des violents qui n'ont que la haine comme argument. La lutte contre l'antisémitisme est trop sérieuse pour être menée par des brutes comme vous..Dignité et recueillement pour Mireille Knoll.
Vous êtes des minables qui font le jeu des antisémites. Des violents qui n'ont que la haine comme argument. La lutte contre l'antisémitisme est trop sérieuse pour être menée par des brutes comme vous..Dignité et recueillement pour #MireilleKnoll #marcheblanche https://t.co/n9mbdLzfMJ
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) 28 mars 2018
Cette violence exprimée dans ce moment de recueillement a été condamnée par plusieurs participants, dont l'ex-président de la Licra Alain Jakubowicz. "J'ai honte de ce qui se passe à la 'marche blanche' à la mémoire de Mireille Knoll à Paris, ça me donne envie de pleurer", a-t-il publié sur Twitter, avant d'interroger: "est-il indispensable de se polariser sur la seule présence de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon?".
Il y a des milliers de personnes réunies a la mémoire de #MireilleKnoll. Est il indispensable de se polariser sur la seule présence de @MLP_officiel et @JLMelenchon ?
— Alain Jakubowicz (@JakubowiczA) 28 mars 2018
"La décence et l'honneur voudraient que cette marche blanche soit un moment de recueillement et d'unité face à la haine antisémite. La mémoire de Mireille Knoll mérite tellement mieux", a de son côté regretté l'élu PCF à la mairie de Paris Ian Brossat.
La décence et l'honneur voudraient que cette #MarcheBlanche soit un moment pacifique de recueillement et d'unité face à la haine antisémite. La mémoire de #MireilleKnoll mérite tellement mieux...
— Ian Brossat (@IanBrossat) 28 mars 2018
La déclaration du Crif a été très mal perçue par l'ensemble de la classe politique alors que l'heure est au recueillement.
"Nous combattons les communautarismes, je ne crois pas que cette marche concerne uniquement la communauté juive ou concerne uniquement le Crif", a déclaré Rachida Dati sur BFMTV.
De son côté, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Grivaux a lancé sur Radio Classique : "Je ne partage pas les propos, en tout cas la recommandation faite par le président du Crif. Chacun est libre de se rendre à une manifestation dans ce pays".
"Tous les responsables politiques ont leur place dans ce rassemblement républicain", avait pourtant plaidé quelques instants plus tôt le président La République en Marche de l'Assemblée nationale François de Rugy.
"Lorsqu'il s'agit de lutter contre l'obscurantisme ou contre l'antisémitisme ou contre le fanatisme, tout ce qui rassemble grandit", avait également déclaré dans l'après-midi, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Édouard Philippe.
Le cortège est parti de Nation et s’est arrêté au pied de l’immeuble dans lequel vivait Mireille Knoll. Les leadeurs de plusieurs groupes religieux ont ensemble rendu hommage à la mémoire de l’octogénaire. Des milliers de personnes ont participé à la manifestation parisienne et des rassemblements étaient également prévus un peu partout en France, notamment à Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Strasbourg, et Toulouse.
Mireille Knoll a été retrouvée poignardée de plusieurs coups de couteau dans son appartement avant que celui-ci soit incendié.
Deux suspects ont été mis en examen pour "homicide volontaire à raison de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion". L'un d'eux, un voisin, connaissait très bien la vieille dame de 85 ans. Ils ont été placés en détention provisoire.