Douze chefs d’inculpation ont été requis contre Ahed Tamimi, détenue depuis bientôt deux semaines dans une prison israélienne. L’adolescente de 16 ans est devenue une héroïne de la résistance palestinienne. pic.twitter.com/csfPLfN1CG
— AJ+ français (@ajplusfrancais) 2 janvier 2018
Pas moins de douze chefs d’inculpation au tribunal militaire israélien. Ahed Tamimi, une Palestinienne de 16 ans, arrêtée le 19 décembre, pour une vidéo devenue virale où la jeune femme frappe des soldats israéliens en Cisjordanie occupée, selon son avocate, Me Gaby Lasky.
Ces chefs d’inculpation concernent cet incident, survenu le 15 décembre près de Ramallah, et cinq autres dans lesquels Ahed Tamimi a été impliquée l’an dernier, a précisé aux journalistes Me Gaby Lasky. Le procureur a également requis cinq chefs d’accusation contre Nariman Tamimi, la mère d’Ahed, également impliquée dans l’incident du 15 décembre.
Nour Tamimi (20 ans), cousine d’Ahed et elle aussi protagoniste de cette vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux et des médias, avait été inculpée dimanche d’agression aggravée et d’atteinte à des soldats en fonction. Dans ces images filmées avec un téléphone portable, on voit Nour Tamimi s’approcher avec sa cousine Ahed de deux soldats puis leur donner des coups de pied et de poing et des gifles, dans le village de Nabi Saleh.
La jeune Palestinienne, arrêtée et placée en garde à vue au tribunal militaire israélien d’Ofer, en Cisjordanie, a fait le tour de la Toile. Tout autant que la vidéo publiée quelques jours auparavant, et dans laquelle elle provoque, avec sa cousine Nour Naji Tamimi, deux soldats israéliens qui voulaient s’introduire dans la cour de leur maison, à Nabi Saleh, au nord de Ramallah. À la suite de cet épisode, Ahed Tamimi, sa cousine, puis sa mère, qui apparaît sur la vidéo, ont donc été arrêtées.
Une mobilisation sur les réseaux sociaux et une campagne d'affichage à Londres se créent pour demander sa libération. Le quotidien de gauche israélien Haaretz la compare à Jeanne d'Arc.
Pour le psychiatre Samah Jabr "Si Ahed avait été brune et voilée, elle n’aurait pas reçu la même empathie de la part des médias internationaux. Un tel profil [ brune et voilée ] est plus facilement associé à l’islamisme et donc au terrorisme. Son attitude aurait alors été aussitôt liée à de la violence plus qu’à de l’héroïsme, comme c’est le cas aujourd’hui.
En 2012, Ahed Tamimi est prise en vidéo brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens : la scène fait le tour du monde et lui vaut d’être reçue par Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre turc. Elle est aussi photographiée en pleurs alors qu'elle tente d'empêcher l'arrestation de sa mère. Elle rencontre par la suite, Mahmoud Abbas, président de l'État de Palestine, qui la félicite pour son courage.
Trois ans plus tard, en 2015, elle apparaît sur des clichés également remarqués, parmi des femmes qui tentent de faire lâcher prise à un soldat plaquant contre un rocher un enfant au bras dans le plâtre, son petit frère Salam. Ahed Tamimi est ainsi devenue une figure familière de la résistance palestinienne à Nabi Saleh.
Née le 30 mars 2001 et seule fille d’une fratrie de quatre enfants, Ahed Tamimi fait partie d’une génération qui n’a rien connu d’autre que l’occupation israélienne. À Nabi Saleh, c’est une réalité quotidienne : la route qui traverse ce village de 600 habitants pour rejoindre Ramallah dessert aussi la colonie israélienne de Halamish, établie en 1977 sur des terres palestiniennes privées. D’une colline à l’autre, Nabi Saleh et Halamish se font face.
Pendant l’été 2008, le captage de sources d’eau au profit de la colonie provoque la colère des villageois palestiniens spoliés. À partir de 2009, une marche pacifique est instaurée tous les vendredis, le jour de congé, par les familles de Nabi Saleh, pour dénoncer l’occupation. La confrontation hebdomadaire avec l’armée israélienne tourne souvent à la violence et des manifestants sont arrêtés, d’autres blessés.
Les heurts des jeunes, placés en tête de cortège, avec l’armée israélienne sont systématiquement filmés par certains villageois. "La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité, explique son père Bassem Tamimi. La diffusion de nos films sur les réseaux sociaux permet de contrer les médias conventionnels qui fournissent une image biaisée de la situation." Très vite, son épouse, Nariman, filme leur fille, souvent meneuse parmi les plus jeunes. Les images de l’enfant militante sont diffusées sur Internet, par l’agence de presse de son oncle.
Ahed Tamimi, arrêtée le 19 décembre, est devenue pour les Palestiniens une icône de la lutte contre l'occupation israélienne. Elle s'est fait connaître dans des confrontations avec l'armée israélienne. Les médias israéliens la qualifient de "provocatrice".
Israël dit qu’Ahed présente un risque. Mais ce n’est pas un risque à l’une des armées les plus puissantes et les plus sophistiquées au monde. Le risque qu'elle pose réside dans son refus de se soumettre à la demande israélienne que les Palestiniens acquiescent à leur propre occupation et que s'ils n’aiment pas ça, ils peuvent partir. Ainsi en rendant la vie si insupportable aux Palestiniens, Israël espère qu'ils partent de la Palestine volontairement.
Le père d’Ahed, Bassem Tamimi, ne se fait guère d’illusion quant à sa libération : "D’après mon expérience, elle risque encore six à huit mois de prison", estime ce militant de longue date. Il voit dans sa fille une de celle et de ceux qui poursuivront "la lutte pour la libération du peuple palestinien".
"Ahed n’a jamais voulu être une icône, mais la situation l’a amenée à le devenir. La résistance n’est pas un choix, c’est une responsabilité."
🇮🇱🇵🇸 Quel verdict pour Ahed #Tamimi?
— i24NEWS Français (@i24NEWS_FR) 1 janvier 2018
➡ Son père s'exprime au micro de #i24NEWS
📰 +d'infos: https://t.co/w88m5OoWvq pic.twitter.com/WHqavEqilN
Selon un décompte de l’ONG Défense internationale des enfants, le nombre de mineurs incarcérés à la prison militaire israélienne d’Ofer en Cisjordanie seraient de 77. Les mineurs sont les premières victimes de la répression moins en raison de leur nombre que de leur statut particulier. Car ils sont soumis au système judiciaire militaire "d’exception" et "inique", selon les associations de défense des droits de l’Homme.
Si les enfants de 12 et 13 ans ne peuvent pas être condamnés de plus de six mois de prison, les adolescents de 14 ans et plus sont eux traités comme des adultes et encourent de lourdes peines. Ils peuvent par exemple être condamnés à plusieurs années d’emprisonnement pour avoir jeté des pierres sur des soldats. Ces adolescents arrêtés sont devenus, malgré eux, des icônes de la cause palestinienne.