Les députés ont voté mardi soir à main levée, après des semaines de polémiques, l'amendement du gouvernement qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution sans faire de référence à la binationalité. Ils ont quelques minutes plus tard adopté l'article 2 du projet de révision constitutionnelle, dont la nouvelle rédaction prévoit que la Constitution renverra à la loi pour "les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation".
Si l'exécutif a donc obtenu gain de cause avec ce vote qui inscrit la déchéance dans la Loi fondamentale, il s'en est fallu de peu pour que l'article 2 ne soit rejeté. Dans un hémicycle beaucoup moins clairsemé que la veille lors du vote sur l'article 1 et l'état d'urgence, 162 parlementaires ont voté pour contre 148 qui se sont exprimés contre, dont un très grand nombre de socialistes et près de la moitié des troupes de la droite.
Cette majorité étriquée, seulement 14 voix d'écart, pourrait être suffisante lors de l'adoption globale de la révision constitutionnelle lors du vote solennel programmé ce mercredi à l'Assemblée. Elle pourrait en revanche se révéler insuffisante à Versailles pour son adoption définitive où la majorité des 3/5e est requise. Avant cela, le Sénat devra avoir voté dans les mêmes termes le projet de révision, ce qui est loin d'être acquis.
Si la révision constitutionnelle est adoptée au Congrès, un projet de loi d'application précisera la mise en œuvre de la déchéance. Selon le gouvernement, la déchéance deviendrait une "peine complémentaire prononcée par un juge judiciaire". Elle pourrait être prononcée pour "des crimes d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation" ou des crimes terroristes, ainsi que pour les délits de terrorisme s’ils sont punis d’au moins 10 ans d'emprisonnement. Plutôt que la déchéance de nationalité, le juge pourrait prononcer une peine de déchéance "des droits attachés à la nationalité" (droits civils ou civiques tels que le droit de vote, le droit d’éligibilité, le droit d’exercer une fonction publique...).
Ni la Constitution ni le projet de loi d'application ne feront plus référence aux binationaux, rendant donc en théorie possible la déchéance d'un Français n'ayant pas d'autre nationalité. Le gouvernement s'est simplement engagé à la ratification de la convention de l'ONU de 1961 sur "la réduction des cas d’apatridie". Ce texte autorise cependant les Etats à pratiquer l'apatridie dans des cas restreints, notamment pour "un individu ayant eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l'Etat".
La déchéance inscrite dans la Constitution par les députés
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